extrait du recueil « le pain et la faim « aujourd’hui épuisé .
Le destin
millénaire
Un souffle millénaire monte du puits des âges.
Dans la pénombre serrée comme un étau
fraîche comme une cave
la femme au ventre gonflé
la femme d’abondance
chut, mûrit la délivrance.
On murmure.Seraient-ce des chants ?
Derrière le mur de bois de pierre ou bien de terre
………………………………le
chuintement du monde.
Les ongles crispent l’ombre ;
la femme gémit plus souvent ;
chaque fois c’est la terre qui s’écartèle.
La vieille, vieille femme, celle qui fut un jour la mère
bras croisés sur une poitrine molle
a le regard sans heurts.
Elle goûte la sage attente
assise et solitaire elle sait.
Derrière les rides se déplissent les souvenirs.
La femme salée de sueur
avide, grave, haletante
se baigne au calme de la mère :
bientôt elles seront sœurs.
Mais l’enfant vif trépigne
veut chevaucher le temps
vite, il l’arrache, si violent
au miroir lisse d’une enfance arrêtée.
Debout, l’homme a les yeux et le poing fermés.
La main tordue, nouée se desserre
la main large et rassurante
la main de chasse tremble.
L’homme noir de peau et blanc de sang
(si loin est la nuit du monde,
si infime l’étincelle de la vie)
lui, le mâle et le chasseur
n’est plus que l’enfant.
Dans la femme si belle
aux soubresauts d’animal blessé
dans la femme chevelure
ses doigts sont désarmés.
A la colline de ce ventre
du néant il fut niché
avec rage il s’est mêlé
et par magie il va recréer.
Jeux d’enfants, chants d’oiseaux, nuages sous le
vent
laissent leur musique en suspens.
L’homme est statue blême
la femme se bande comme l’arc du guerrier.
Vieille femme
ta main ne tremble pas
La main de l’ancêtre a le geste des aïeux
depuis la mort des dieux.
Car là s’ouvre le sanctuaire
le cri est expulsé.
La vieille, vieille main
accueille un nouveau-né.
L’homme pleure une larme de prière
La femme lasse sourit
La vieille berce sa mémoire
Au sein-fruit s’offre la bouche sauvage.
Alors la poitrine du père se gonfle
la main béate de la mère se réchauffe
et les yeux de la vieille lisent les rides de ses lendemains
sur la peau de matin
d’un enfant qui n’est plus le sien.
Michèle rosen(rosenzweig)- le pain et la faim -1990
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