peinture de catherine Ducreux,
artiste peintre, sculpteurÂ
Toi, la grosse
Tu es grosse. Très très grosse. Lentement, insidieusement, tu as
pris du poids et ton âme s’est éloignée des beautés des
magazines. Tu n’as jamais voulu « faire régime ». Trop bête,
trop dur .Même les minettes de quinze ans veulent « faire régime »,
toutes les femmes veulent « faire régime » alors tu as dit non à ce
totalitarisme.
Lentement tu as laissé pousser tes cheveux. Tu voulais être une
belle femme grosse, et les très longs cheveux qui t’ont
poussé jusqu’aux reins sont le signe de ta force et ta
féminité. Si l’on te coupait les cheveux, telle Samson
perdant sa force, tu ne serais plus qu’une grosse ordinaire
et adipeuse. Et puis il y a tes yeux. On ne les remarque que dans
la lumière du soleil, ils sont turquoises, mais dans tes joues
devenues bouffies, on ne les remarque pas. Sauf au soleil car alors
ils brillent.
Tu es grosse, très très grosse et très belle. C’est comme
ça que tu te sens : belle. Tes vêtements taille 60 sont colorés et
amples comme une ode à la vie. Tu n’oses pas te regarder dans
le miroir, sauf pour maquiller tes yeux d’un fard sombre. Le
miroir est un ennemi de ta beauté. Il te nargue et te déprécie. Il
t’arrose de ses sarcasmes continuels. Alors, tu le dédaignes
et tu coiffes tes longs cheveux devant l’ordinateur, éteint
.L’écran noir de l’ordinateur te va bien. Il rend
floues tes formes redondantes. Alors tu l’allumes et ton
image s’efface, et tu écris tes vers. Pas des vers de terre
de dégoût de toi-même, non les vers rimés de ta beauté.
Tu es grosse. Très grosse, très très grosse .Ceux à qui tu ne
plais pas passent leur chemin. Ça permet de faire le tri des
imbéciles. C’est très utile dans la vie. Tu t’aperçois
qu’à être grosse, il n’y a plus que des gens
intelligents autour de toi .Il y a dans ta grosseur une forme de
générosité existentielle, une abondance, une richesse que
n’ont pas les anorexiques. Tu aimes aimer, en grand et en
gros. Ton gros cœur est un grand cœur. On t’aime.
Comme tu es et peut être plus. Tu aimes les grosses embrassades,
nous on aime perdre nos baisers dans ton gros corps. Alors on est
comme rassasiés …..
Michèle rosenzweig- « j’en parle à mon chat » – proses
poétiquesÂ
Bravo pour ton texte !
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Joli contraste entre la beauté de l’oeuvre peinte et la cruauté du texte par endroit ! (cruauté bien réaliste !)
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ce n’est pas de la cruauté c’est de la dérision plutôt ……..
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texte courageux et majestueux, sur la difficulté de ne pas répondre à m’image qu’on attend de nous, au contraste entre le ressenti et le diktat du miroir, oui les grosses ont beaucoup à donner, ce sont des déesses, des vénus originelles, nos lointains lointains ancêtres savaient bien mieux leur rendre hommage
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il est curieux de constater qu’en afrique du nord ou en afrique noire on est une déesse effectivement dès qu’on est en formes, le regard des hommes est accueillant, le regard des femmes n’est pas dédaigneux
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… et sourit jour et nuit une rose au clair visage .
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