pastel à l’huile-1984
extrait de « down under » roman de michèle rosenzweig-editions
edilivre.com–2011
(…) Le nouvel appartement était vétuste. Tout en
longueur ouvrant sur une petite pelouse devant et une cour à
l’arrière où trônait un magnifique manguier. Les mangues
étaient mûres et il planait une odeur de sucre et de pourri qui
attirait les opossums. De temps à autre un de ces jolis rongeurs
aux grands yeux et à la fourrure épaisse venait se perdre dans
l’appartement. Ce n’étaient pas les seuls habitants
avec qui ils partageaient le logis : si l’on ne prenait
pas garde à ne rien laisser de périssable en vue, et à vider les
poubelles deux fois par jour, il était infesté de coakroaches, de
grandes blattes noires montant le long des murs. Ce qui mettait
Georges hors de lui parce que l’hygiène ménagère de sa
compagne était douteuse, peu habituée qu’elle était à tant de
précautions.
Dans la cour arrière Georges avait aménagé un petit atelier dans
une remise, et il avait acheté quelques outils supplémentaires dont
une scie sauteuse, un rabot électrique, et du petit matériel à main
allant de l’égoïne au marteau de charpentier. Le flea market
était un endroit de trouvailles en or, et le copain Richie le
canadien avait de bons prix sur les outils en tant que mécano.
Georges avait installé à Michelle un bureau dans leur chambre à
coucher, un plan incliné idéal pour dessiner, peindre et écrire,
juste dans la lumière d’une fenêtre. Un jour, il avait ramené
une série de planchettes en bois blanc ramassées elle ne savait où,
et elle avait eu l’idée de faire des puzzles en bois avec de
jolis dessins à l’acrylique et grâce à la scie sauteuse qui
découpait merveilleusement les pièces. Elle en avait appris
rapidement le maniement. Elle vendrait le tout au flea market ainsi
que des pastels qu’elle s’était mise à peindre de la
faune australienne. Manon lui avait apporté entretemps de la
vaisselle, des habits pour les enfants, du papier à dessin. Elle
débarquait avec un tas de vieux trucs de brocante et
s’installait pour le repas que Michelle voulait le plus
français possible pour l’occasion, gratin dauphinois ou
rosbif frites salade. Manon était à Brisbane depuis quinze ans.
Elle travaillait comme femme de service dans une école et était une
grande bavarde devant l’éternel. Chaque fois, Georges et
Michelle ne savaient plus comment se débarrasser d’elle
et de ses trouvailles qui n’étaient pas toujours de bon
goût ni de grande utilité. Mais Manon les couvait comme des
poussins qu’elle avait pris sous son aile, toujours là
et toujours prête à aider, même si on avait besoin de rien.
(…)
bravo beau dessin!
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