
Le mot premier
NON !
Cri primaire exhalé de la cage thoracique, du ventre même, des
entrailles profondes .Toute la rage, toute la révolte, toute la
détermination, toute l’opposition sauvage ou calculée, tous
les pieds qui trépignent de colère.
Je ne sais plus dire non. J’essaie d’abord de
comprendre, de supputer, de donner le oui positif et ensuite je me
mords la bouche de regret. Savoir dire non est l’acte le plus
noble qui existe quand il est dit pour le bien des autres. Pas
l’hypocrite peut-être, ni le chaleureux oui et amen. Refuser
la misère, l’injustice, la méchanceté, et pourtant se taire,
cloîtrée dans sa désapprobation, sans puissance, sans incidence,
sans résultat.
Non est le mot frustre et frustrant.
Non est le mot qui dit moi je : moi, je suis différente ;
moi, je pense autrement. Moi, moi et remoi . Non, le premier mot
des bébés après papa et maman, leur capacité à
l’indépendance, à la volonté propre.
Pourtant peut-il être dit avec amour, sans colère, sans
méchanceté ? Tout un art qui m’interpelle .Le Non, non
pas aux autres ni à la vie, le non à la persécution de
l’autre, par l’autre, à la dégénérescence du corps et
de l’esprit. Pas le non de l’anarchie, le drapeau noir
qui brandit contre tout-contre tous .Le non pour construire,
corriger, éduquer.
Le non pour un oui.
Un oui à autre chose.
Michèle Rosenzweig- « j’en parle à mon chat » proses
poétiques