illustration de michèle rosenzweig pour l' »atelier de
l’artisane »2009
Train
train
Petite musique de mon tiroir. Je l’ouvre une fois par jour
pour remplir mon journal. Dedans un grand cahier bleu, pour noter
ce qui fit ma journée, pensées, rencontres, faits et non faits,
dits et non dits. Puis le cahier se referme, et le tiroir se
referme. Jusqu’à la prochaine ouverture. Demain. Rendez vous
chaque jour avec moi-même. Le temps qu’il fait au baromètre
de mon cœur. L’altimètre des hauteurs et des
profondeurs. L’horloge fidèle des petites joies, petits
soucis. Quelquefois un grand noir, ou un grand blanc dans les noirs
sur blanc de mon écriture, un évènement notoire, un bouleversement.
Mais si rares. J’avance à petits pas vers un je ne sais quoi.
Quelquefois je consigne un repas. Peut être un sursaut de goût ou
de dégoût. Tous les jours je consigne un espoir. Pour voir
s’il se réalisera.. C’est comme le jour qui se lève et
la nuit qui tombe, c’est fidèle, çà a la vie dure, un
espoir.
Dès fois la vie m’exauce. Alors je crois en dieu qui pense
un peu à moi. Dès fois j’attends encore, çà fait un espoir à
consigner, un espoir qui désespère ou qui croit envers et contre
tout, çà dépend. C’est comme une marée qui monte et qui
descend tous les jours, en fonction de la lune. Avec des horaires,
jamais les mêmes, mais qui prennent la peine d’un calendrier.
Tiroir de mes amours. Toujours impossibles ou déçus. Qui
s’accommodent pas avec le jour le jour. Qui veulent pas de la
lumière. C’est pour çà qu’ils sont dans le journal,
dans le tiroir. Que des ratés d’amour. Ou des espoirs. Des
petites écorchures de rien. Des espoirs qui aiment les larmes. Qui
pourrissent d’eux-mêmes. Des fantasmes d’amour, quoi.
Qui tricotent avec la réalité. Qui aiment la solitude du journal,
au lieu d’une souffrance de mauvais amour, mal digéré. Plutôt
l’attente que le va vite et le mal donné. J’ose pas
rêver grand. J’ose pas demander. Je consigne. Je
consigne. A la consigne de mon tiroir. A mon tiroir de
consigne. Il pleut il vente il y a du soleil sur mon espoir. Cà
fait des petites feuilles vertes, minuscules et fragiles. A demain,
cahier bleu. Je ferme le tiroir. Petite musique de mon tiroir. Le
bois qui glisse contre le bois. La vie qui rabote la vie, la vie
qui se frotte à moi
michèle rosenzweig.L’atelier de l’artisane
-2009