
La journée de la
femme
Elle ouvre la porte avec précaution. Un coup d’œil
circulaire. Dans la salle, il y a déjà sept personnes .Elle
traverse le plus anonymement possible l’espace qui la sépare
de la chaise libre. Elle a choisi le coin à gauche pour
s’asseoir. Elle défroisse sa jupe. Elle pose son sac. Elle
dévisage les autres qui la dévisagent aussi. Sont-ils angoissés
comme elle, ils pianotent leur portable, ils mâchent des
chewing-gums et ils lisent des magazines.
Elle pense, un long, très long moment. A sa poitrine, son genou,
son fils qui l’a déposée en voiture, au radiologue. Les sept
personnes se lèvent une à une, entrent dans le cabinet. Elle
regarde attentivement leur habillement. Il leur serre à
chacun la main, tour à tour, laconiquement .Elles
sortent et repartent d’un pas pressé, les unes après
les autres. Silence de mort entre les allées et venues. La patience
l’ankylose. Elle croise les jambes. Elle feuillette avec
indifférence un magazine : aujourd‘hui,
c’est la journée de la femme. Elle pense que les femmes sont
gâtées de nos jours, pour rien au monde elle ne voudrait retourner
dans le passé …Elle joue avec son alliance : si
seulement son mari était là ….mais tout ça c’est des
histoires de femmes …….le doré du fermoir de son sac
est noirci, elle le remarque. Elle fixe des yeux le bout de
sa chaussure, l’esprit vide.
C’est son tour .Elle repose le magazine délicatement. Il
l’appelle par son nom .Elle prend son sac, se lève, se
réunit toute entière dans cette action .Elle entre dans le cabinet,
elle s’assied avec appréhension .Lui est calme, il
tripote un stylo. Il dit avec une voix douce :
« les résultats ne sont pas bons ….. »
Elle déglutit. Elle attend de toute sa force le verdict .Elle se
concentre sur le bord du bureau qui la sépare de ce calme
magistral. Il inspire un grand coup, cela l’incite à
lever ses yeux, et lui, l’accompagnant du regard, « vous avez
un cancer du sein … »..
Elle reçoit un coup de poing. Et dans un souffle douloureux, le
seul mot qui lui vient c’est Ah ?
Michèle Rosenzweig- proses poétiques -« J’en parle à mon
chat »
un texte prémonitoire puisque je me débats avec un cancer du sein depuis le 1er avril, quel joli poisson d’avril!
me voilà toute violentée par la chirurgie et les rayons X, mais assez sereine dans mon for intérieur, j’ai confiance en la vie , en dieu qui peut tout, en chaque jour de gagné sur la maladie. magnifique prise en charge par la médecine et la sécurité sociale, rapidité , efficacité, respect de la personne, merci pour le système de santé français…
Je sais que je vais gagner .
des projets :un autre livre en préparation prévu pour début 2017, dont ce texte
25 mai 2017: guérie totalement ! vive la Vie !