la quarantaine

nouvelle écrite après le confinement pendant la crise coronavirus

KODAK Digital Still Camera

La quarantaine
Zoé n’en pouvait plus de ce confinement entre quatre murs . Pas la prison, pas l’hôpital, pas le
handicap, non , la peur de la pandémie . La quarantaine forcée, décidée par le gouvernement .
Vivre en HLM à Evry-Courcouronnes , ville nouvelle, dans un deux pièces cuisine, sans chien à
promener. Juste quelques courses au supermarché, quelle aventure ….
Pas de jogging à faire non plus entre les cubes de béton et les trottoirs vides .
Elle se consolait entre ses plantes vertes et un poisson rouge dans un bocal avec qui elle avait
soudain de l’empathie dans son tournage en rond perpétuel Elle se prenait à lui faire la
conversation.
L’exercice quotidien était la descente de cinq étage sans ascenseur pour chercher le courrier dans la
boîte aux lettres . Pas de télétravail, elle était au chômage depuis belle lurette, bien avant les
mesures de confinement obligatoire . Elle regrettait presque la visite à l’agence pour l’emploi. Le
désoeuvrement elle connaissait mais là , sans bistro ouvert , sans copains de comptoir, elle frisait la
neurasthénie .
Alors elle feuilletait ce qui lui tombait sous la main , vieux catalogue 3 suisses , dernier catalogue
Bon Prix , pour avoir l’impression de changer de fringues, de faire du shopping , bulletin municipal
avec le résultat des dernières élections, catalogue Vitrine Magique de tas de trucs inutiles qui , il fut
un temps lui paraissaient utiles pour améliorer son quotidien, et qui maintenant la faisaient marrer .
Elle se passait allègrement de tout maintenant . Même les achats sur internet elle ne pouvait plus .
Sa carte bleue était périmée et elle était en surendettement sans autorisation de renouvellement de
carte de paiement .
De café en café , elle promenait son désarroi et son ennui dans l’appartement encombré par la
vaisselle qui traîne de restes de repas sur le pouce. Pas l’envie de cuisiner non plus . Pour qui
pourquoi? Elle vivait seule.
Elle feuilleta son carnet d’adresses. A qui téléphoner pour un peu d’immédiateté dans le contact à
plus d’un mètre cinquante de distance ?
Son voisin mit de la musique qui traversait régulièrement les murs en placo de l’immeuble. C’était
bien ce qu’il mettait en ce moment : de la kora africaine . Au moins elle voyageait .
Plus loin que les allers et retours pour pisser. Borborygmes de chasse d’eau qui fuyait comme seules
cascades de randonnée pédestre …
Elle avait calculé que la diagonale de son appart plus trois fois le couloir équivalaient à 50 mètres
de marche à pied . Pour faire un kilomètre combien de déambulations sportives ? En petite foulée
mesurée ? Exercice de calcul mental rapide .
Une lettre dans la boite aux lettres ce matin. Celle de son vieux copain d ‘école Freddy
Mucklenberg. Il avait retrouvé son adresse sur les pages blanches et il lui racontait sa vie depuis
qu’ils s’étaient perdus de vue . Elle décida de lui raconter la sienne . Occasion unique de faire le
point sur 45 années sur la surface de la terre depuis sa naissance à Bamako post coloniale, en
passant par son diplôme de styliste puis puis son recyclage dans le graphisme . Puis son
concubinage raté de 15 ans avec un camerounais ambulancier jusqu’à subir la solitude dans un
désert moral sans précédent .
Quand elle relut la lettre, il lui sembla qu’elle avait honte . De s’être laissée faire , laissée aller. Elle
la roula en boule et la jeta dans le panier de basket de la corbeille à papier .
Il fallait qu’elle se secoue .
Elle reprit son stylo et écrivit sur la première page d’un cahier ; journal de confinement. Là elle
avait quelque chose à dire, à faire . Pour publier quand la quarantaine prendrait fin . Elle ne serait
sans doute pas la seule à avoir eu l’idée mais elle garderait ça en souvenir au pire . Comme des
mémoires de guerre ….
L’exercice était stationnaire, là devant une feuille de papier , mais ne lui coutait rien. Chaque jour
elle trouvait un truc à consigner , occupations de prisonnière d’abord, puis peu à peu, jour après
jour, la liberté intérieure gagnant du terrain , une occupation plus sereine . : cuisine , ménage,
quadrilatère sportif, musiques du voisin, observation du poste de sa fenêtre des gens dans la rue,
arrosage, rempotage de plantes vertes , nourrissage , changement d’eau et conversation de poisson à
poisson, et méditation sur canapé.
Elle clôtura pour un temps sa page facebook d’amis virtuels sans intérêt , et entreprit une visite des
musées en ligne, l’écoute gratuite des opéras du Metropolitan de New York .
Son copain d’enfance s’enhardissait à lui envoyer d’autres lettres , elle s’enhardit à faire de lui le
premier lecteur potentiel de son journal de confinement . Lui aussi était en région parisienne , à
Créteil, autre ville nouvelle . Les facteurs , pigeons voyageurs du confinement ,continuaient leur
service régulier .
Elle pressentait une ouverture vers une autre façon de vivre . Elle prenait le temps pour se réparer
intérieurement en réfléchissant aux évènements, à sa vie , en téléphonant à sa soeur qu’elle n’avait
pas revue depuis dix ans , en écrivant .
Quand l’ennui la plombait, elle laissait monter, laissait descendre une envie quelconque qu’elle
mettait à exécution . Cela prenait le temps qu’il fallait pour que ce soit créatif .
Laisser monter laisser descendre comme une envie de chier . Elle avait trouvé des synonymes dans
le dictionnaire à « se faire chier « un autre mot : tartir , caguer . Elle se faisait tartir ? Elle laissait
monter et descendre l’envie jusqu’à l’excrément final de sa nouvelle production : petit plat mijoté,
page de journal, mots croisés, petite foulée dans le jardin public, coup de téléphone, soin de beauté,
exercice de méditation.
Elle était allée frapper chez le voisin pour lui demander les références de ses musiques, moyennant
la distance de sécurité !… elle le croisait aussi à la boite aux lettres en un vieil habitué du même
créneau horaire maintenant .
Le confinement s’il avait pris des allures de dictature avec peur orchestrée, couvre feu, laisser
passer et flicage, avait aussi donné des ailes de liberté intérieure ,de temps pour soi et pour les
autres, dont on ressentait le besoin précieux .
Zoé sortit sa vielle guitare de sa housse et entreprit de se mettre à chanter . « Il est où l’bonheur il
est où ? ». Paroles et musique de Christophe Maé .
Le coronavirus était devenu la dernière de ses préoccupations. Elle n’écoutait plus l’intoxication
médiatique générale aussi virulente que le virus lui même. Il faisait son office mystérieux de
sélection naturelle, frappant où il voulait mais aussi son office miraculeux de rédemption

salons du livre , un nouveau souffle

après trois ans d’épisode covid où je me suis abstenue de toute manifestation publique, je reprends mon activité littéraire dans les salons du livre en 2023. pendant trois ans je n’ai pas voulu me masquer ni rencontrer un public de lecteurs masqués , ni être obligée à une vaccination imposée pour avoir un pass vaccinal et ainsi accéder aux manifestations publiques .c’était un choix raisonné .j’avais besoin de serrer des mains , de mettre des visages sur les conversations et les partages autour de mes livres .

Donc le 5 mars prochain , je serai l’invitée d’honneur du salon du livre de Nègrepelisse(82) et je dédicacerai l’ensemble de mes ouvrages à cette occasion , en tout une quinzaine de livres édités à ce jour .

j’espère que les lecteurs ne seront pas frileux pour partager avec moi quelques mots, quelques impressions, quelques questions sur mon travail d’écrivain qui perdure depuis 35 ans .Beaucoup d’approches de l’écriture différentes , par les thèmes abordés et les genres, j’ai essayé de me renouveler dans chaque livre.

je me suis mise en scène bien des fois dans ce que j’avais de plus intime et j’ai tout autant tenté de m’échapper de moi Même, pour faire place à l’autre , ou à l’histoire racontée . bref , j’ai essayé de faire de la littérature dans ce qu’elle a de noble . par gout profond de la langue écrite et parlée .

j’ai cependant le sentiment d’avoir tout dit ,e t si je commets encore par ci par là quelques poèmes et quelques textes, il faudra sans doute beaucoup de temps avant que cela ne fasse un recueil de plus .. aussi vais je me consacrer à faire vivre ce qui existe déjà., dans les salons , dans des lectures publiques, et qui sait peut être un récital

rendez vous donc dans les prochains mois dans mon activité littéraire renouvelée

Printemps des poètes 2022 : l’éphémère

. voici ma participation

éphémères

– Avant d’être pelouse , je fus tronc , se vantait le gazon de sa vie antérieure .Avant qu’on me tonde et je repousse , je fus chêne solide et bien campé.

– Je fus larve , puis chenille puis papillon, je vécus trois vies en une , se riait de lui le papillon.

– Moi dit le chat, j’ai sept vies devant moi et je n’en n’ai vécu qu’une…

– L’enfant répondit : je suis éternel. Je ressusciterai des morts et vivrai en paradis . C’est maman qui me l’a dit parce que j’ai jésus pour ami . c’est écrit .

– Moi dit l’homme vieux et fourbu, je redeviendrai poussière et repos, je mangerai le pissenlit par les racines . je fleurirai en pâquerette très bientôt.

– Modeste , la pâquerette lui sourit : je renais chaque printemps de ma blanche collerette…

– Et moi dit l’araignée ,je mettrai à profit mon don, je serai tisserande. De mon fil, je couvrirai l’homme nu pour qu’il n’ait ni froid ni honte .

– Et toi étranger , à quoi aspires- tu dans cette vie ou dans une autre ? Un abri , un repas chaud , et l’amour d’un pays . Tout passe et tout revient , Dieu donne chaque jour son soin .

– Si un livre passe ton chemin, ami lecteur, fais en ton festin. Quand tu en auras lu mille et cent, tu seras riche d’un destin, à tourner les pages pour en faire ta fortune.

– Et toi , écrivain qui les raconte et les imagine, ta trace immortelle et fugace sur le sable tu inscris. Le temps , le vent, la mer l’emporte et la déterre. Et si tu es poète , tu sais que rien n’a d’importance sauf le moment.

Michèle Rosenzweig

conciseries et autres atmosphères

un extrait .

conciserie = prose courte, sorte de confiserie littéraire qui emploie le retour à la ligne .

disponible chez https://www.edilivre.com/conciseries-et-autres-atmospheres-michele-rosenzweig.html/

St Antonin

Pigeons bleus
autour de la fontaine
sous les arbres de la place


La rivière coule à mes pieds
quelques randonneurs
au soleil de leurs lunettes sombres


Au creux de ses escarpements
st Antonin a mis
ses escarpins de glycines

Michèle Rosenzweig-2020-Conciseries et autres atmosphères

un conte de mon prochain livre

illustration de Nouch

Volubilis

Le fauteuil jaune me tend les bras devant la porte vitrée. Je m’y installe pour lire ou me délecter de musique classique, ou jouir des deux choses à la fois, le plus souvent.

Derrière la porte vitrée, le jardin s’ouvre avec sa haie,ses fleurs en pots sur la terrasse , son muret où grimpent la clématite et le rosier rouge variété Madame Meilhand.

Le fauteuil jaune est le lieu de prédilection de l’un des nombreux mâles de la maison, outre mon fils, mon poisson rouge, mon lapin nain et mon époux, je parle de mon chat Volubilis.

Volubilis n’est pas volubile, il est même très silencieux, mais son nom de plante grimpante d’abondance en fait un chat très sophistiqué qui se met à lire sur mon épaule, perché sur le dossier du fauteuil jaune. Il volubilise alors des ronronnements à qui mieux mieux dès que je chausse mes lunettes de lecture en mettant du Jean Sébastien Bach.

Volubilis de son perchoir jaune a une vue plongeante côté jardin quand il détourne la tête de mon livre, côté cour, las de sa lecture en musique, de cette lassitude de chat qui ferme à demi les yeux de plaisir, sans bouger ni de la moustache ni d’une oreille dans un immobilisme statuaire très près de la concentration maximum du grand penseur, qui n’envie rien au « Penseur » de Rodin.

Mais alors que tout semble arrêté dans le temps et dans l’espace, surgit un rouge gorge sur la mangeoire à oiseaux de l’autre côté de la baie vitrée. Puis une mésange bleue, puis un vulgaire moineau qui veut faire la loi sur la boule de graisse farcie de graines que j’ai accrochée en prévision des grands froids à venir.

Toutes ces petites ailes qui battent la mesure de Bach, derrière la baie vitrée, on fait bouger le chat d’une paupière. Puis d’un bout de queue. Puis d’un léger frémissement d’une oreille.

« Voilà qui est plus intéressant qu’un livre », se dit Volubilis.

Le ballet des rouges gorges, des mésanges et des moineaux est interrompu par l’apparition d’un gros merle au bec jaune qui réquisitionne la mangeoire. Mais oui, il y a une hiérarchie chez les petits oiseaux des haies de jardin. Le merle a dédaigné les boules oranges des fruits du cotonéaster pour goûter aux délices des graines de sésame-ouvre toi, qui lui procurent le délice suprême , celui de chasser tout le menu fretin de ses congénères vite fait bien fait.

Volubilis songe qu’un bon merle ferait un meilleur repas qu’un petit rouge gorge, il y a plus de gras. Alors il ouvre les deux yeux, pousse un miaulement à fendre l’âme pour que je consente à lui ouvrir la porte fenêtre. Voyant que je n’abandonne pas ma lecture, il saute souplement sur le carrelage et se poste devant la vitre. Le merle a vu surgir son ombre suspecte, et aussitôt s’envole vers la haie protectrice. Volubilis, déconfit, regagne le dossier du fauteuil jaune, alors que s’entame l’aria final des Variations Goldberg de Bach, où absorbée par la lecture, je me contente de paraître indifférente à son courroux de chat.

Il replonge dans la lecture par dessus mon épaule.

Bientôt, j’ai fini mon chapitre sur le point d’orgue pianistique de Glenn Gould. Je ferme le livre d’un claquement sec pour bien signifier à mon co-lecteur que la lecture est terminée et me lève pour me servir une tasse de thé à la bergamote. Volubilis adorera le cookie au chocolat que je tremperai dedans et il ne m’en voudra plus de son festin d’oiseau raté .

Le rouge gorge est revenu, suivi de la mésange bleue , suivie du moineau, suivi du merle, derrière la baie vitrée .

Mais Volubilis a mieux à faire : il quémande de ma main un petit morceau de cookie au chocolat trempé dans le thé chaud .

La main qui le nourrit toujours fidèlement a quand même plus de valeur qu’un fast food au MacZozio du jardin, elle est plus fiable, plus régulière, plus amicale, se dit Volubilis et puis toutes ces plumes indigestes à dépecer pour un maigre bout de chair à peine dodue, quel temps perdu . Ce ne serait pas pour le plaisir de la chasse, tiens, il renoncerait tout à fait aux oiseaux !…

Rien ne vaut un bon bol des croquettes saumon-carottes-céréales ou lécher la fin de mon assiette d’émincé de poulet au vin blanc. Et que dire de la boîte de thon en miettes au naturel, et du yaourt à la fraise !

Volubilis ne crache pas dans la soupe, il sait où est son véritable intérêt, et il n’est pas ingrat en affection.

Je sais comment m’y prendre avec les mâles de la maison !

Le symbole de la fleur de volubilis dans le langage des fleurs est l’amitié dévouée ou la passade amoureuse, tout l’un ou tout l’autre, n’est ce pas le propre de tous les chats , indépendants oui mais attachés à leurs maîtres et serviteurs ? Sans alliance en or, sans grands serments. Par une patte, une demie queue et un quart de poil de moustache, guère plus.

MIchèle rosenzweig2021

l’heure du thé

créé en atelier de peinture , ce tableau orne ma cuisine . il a été éxécuté sur les « pas à pas » du journal « beaux arts  » mais la composition est personnelle .

le thé

Une vague envie de quelque chose , mais on ne sait pas quoi . pas de sucré ni de salé . pas envie de grignoter . une envie qui vient de loin , de Chine , du Japon d’Inde, du Maroc . Je me choisis un darjeeling ou un thé vert à la menthe ou un earl grey .Nature ou avec une cuiller de miel . Et voilà que tout prend un sens , une saveur , un parfum . La journée prend le temps d’une pause qui l’enjolive . Les papilles sont contentes, le coeur est rassasié

Ma cérémonie du thé n’est pas dans les gestes de la théière, mais dans la lente dégustation presque masticatoire des gorgées de nectar chaud. Sans hâte, sans dilapidation du temps , être dans le moment plein , contempler le jus moiré , la vapeur qui volute , poser ses yeux sur le jardin , sur le salon , sur la cuisine , lieu choisi du charme. car oui je suis sous le charme d’un divin enchanteur de mes sens , le thé .

Michèle Rosenzweig

un instant bonheur-avril 2021