conciseries et autres atmosphères

un extrait .

conciserie = prose courte, sorte de confiserie littéraire qui emploie le retour à la ligne .

disponible chez https://www.edilivre.com/conciseries-et-autres-atmospheres-michele-rosenzweig.html/

St Antonin

Pigeons bleus
autour de la fontaine
sous les arbres de la place


La rivière coule à mes pieds
quelques randonneurs
au soleil de leurs lunettes sombres


Au creux de ses escarpements
st Antonin a mis
ses escarpins de glycines

Michèle Rosenzweig-2020-Conciseries et autres atmosphères

un conte de mon prochain livre

illustration de Nouch

Volubilis

Le fauteuil jaune me tend les bras devant la porte vitrée. Je m’y installe pour lire ou me délecter de musique classique, ou jouir des deux choses à la fois, le plus souvent.

Derrière la porte vitrée, le jardin s’ouvre avec sa haie,ses fleurs en pots sur la terrasse , son muret où grimpent la clématite et le rosier rouge variété Madame Meilhand.

Le fauteuil jaune est le lieu de prédilection de l’un des nombreux mâles de la maison, outre mon fils, mon poisson rouge, mon lapin nain et mon époux, je parle de mon chat Volubilis.

Volubilis n’est pas volubile, il est même très silencieux, mais son nom de plante grimpante d’abondance en fait un chat très sophistiqué qui se met à lire sur mon épaule, perché sur le dossier du fauteuil jaune. Il volubilise alors des ronronnements à qui mieux mieux dès que je chausse mes lunettes de lecture en mettant du Jean Sébastien Bach.

Volubilis de son perchoir jaune a une vue plongeante côté jardin quand il détourne la tête de mon livre, côté cour, las de sa lecture en musique, de cette lassitude de chat qui ferme à demi les yeux de plaisir, sans bouger ni de la moustache ni d’une oreille dans un immobilisme statuaire très près de la concentration maximum du grand penseur, qui n’envie rien au « Penseur » de Rodin.

Mais alors que tout semble arrêté dans le temps et dans l’espace, surgit un rouge gorge sur la mangeoire à oiseaux de l’autre côté de la baie vitrée. Puis une mésange bleue, puis un vulgaire moineau qui veut faire la loi sur la boule de graisse farcie de graines que j’ai accrochée en prévision des grands froids à venir.

Toutes ces petites ailes qui battent la mesure de Bach, derrière la baie vitrée, on fait bouger le chat d’une paupière. Puis d’un bout de queue. Puis d’un léger frémissement d’une oreille.

« Voilà qui est plus intéressant qu’un livre », se dit Volubilis.

Le ballet des rouges gorges, des mésanges et des moineaux est interrompu par l’apparition d’un gros merle au bec jaune qui réquisitionne la mangeoire. Mais oui, il y a une hiérarchie chez les petits oiseaux des haies de jardin. Le merle a dédaigné les boules oranges des fruits du cotonéaster pour goûter aux délices des graines de sésame-ouvre toi, qui lui procurent le délice suprême , celui de chasser tout le menu fretin de ses congénères vite fait bien fait.

Volubilis songe qu’un bon merle ferait un meilleur repas qu’un petit rouge gorge, il y a plus de gras. Alors il ouvre les deux yeux, pousse un miaulement à fendre l’âme pour que je consente à lui ouvrir la porte fenêtre. Voyant que je n’abandonne pas ma lecture, il saute souplement sur le carrelage et se poste devant la vitre. Le merle a vu surgir son ombre suspecte, et aussitôt s’envole vers la haie protectrice. Volubilis, déconfit, regagne le dossier du fauteuil jaune, alors que s’entame l’aria final des Variations Goldberg de Bach, où absorbée par la lecture, je me contente de paraître indifférente à son courroux de chat.

Il replonge dans la lecture par dessus mon épaule.

Bientôt, j’ai fini mon chapitre sur le point d’orgue pianistique de Glenn Gould. Je ferme le livre d’un claquement sec pour bien signifier à mon co-lecteur que la lecture est terminée et me lève pour me servir une tasse de thé à la bergamote. Volubilis adorera le cookie au chocolat que je tremperai dedans et il ne m’en voudra plus de son festin d’oiseau raté .

Le rouge gorge est revenu, suivi de la mésange bleue , suivie du moineau, suivi du merle, derrière la baie vitrée .

Mais Volubilis a mieux à faire : il quémande de ma main un petit morceau de cookie au chocolat trempé dans le thé chaud .

La main qui le nourrit toujours fidèlement a quand même plus de valeur qu’un fast food au MacZozio du jardin, elle est plus fiable, plus régulière, plus amicale, se dit Volubilis et puis toutes ces plumes indigestes à dépecer pour un maigre bout de chair à peine dodue, quel temps perdu . Ce ne serait pas pour le plaisir de la chasse, tiens, il renoncerait tout à fait aux oiseaux !…

Rien ne vaut un bon bol des croquettes saumon-carottes-céréales ou lécher la fin de mon assiette d’émincé de poulet au vin blanc. Et que dire de la boîte de thon en miettes au naturel, et du yaourt à la fraise !

Volubilis ne crache pas dans la soupe, il sait où est son véritable intérêt, et il n’est pas ingrat en affection.

Je sais comment m’y prendre avec les mâles de la maison !

Le symbole de la fleur de volubilis dans le langage des fleurs est l’amitié dévouée ou la passade amoureuse, tout l’un ou tout l’autre, n’est ce pas le propre de tous les chats , indépendants oui mais attachés à leurs maîtres et serviteurs ? Sans alliance en or, sans grands serments. Par une patte, une demie queue et un quart de poil de moustache, guère plus.

MIchèle rosenzweig2021

l’heure du thé

créé en atelier de peinture , ce tableau orne ma cuisine . il a été éxécuté sur les « pas à pas » du journal « beaux arts  » mais la composition est personnelle .

le thé

Une vague envie de quelque chose , mais on ne sait pas quoi . pas de sucré ni de salé . pas envie de grignoter . une envie qui vient de loin , de Chine , du Japon d’Inde, du Maroc . Je me choisis un darjeeling ou un thé vert à la menthe ou un earl grey .Nature ou avec une cuiller de miel . Et voilà que tout prend un sens , une saveur , un parfum . La journée prend le temps d’une pause qui l’enjolive . Les papilles sont contentes, le coeur est rassasié

Ma cérémonie du thé n’est pas dans les gestes de la théière, mais dans la lente dégustation presque masticatoire des gorgées de nectar chaud. Sans hâte, sans dilapidation du temps , être dans le moment plein , contempler le jus moiré , la vapeur qui volute , poser ses yeux sur le jardin , sur le salon , sur la cuisine , lieu choisi du charme. car oui je suis sous le charme d’un divin enchanteur de mes sens , le thé .

Michèle Rosenzweig

un instant bonheur-avril 2021