quelques pensées redhibitoires

« les mains dans l’eau » acrylique sur toile

Leçon de Pâques

j’ai essayé quand j’étais une chrétienne convaincue face à un jeune loup chrétien qui voulait se faire les dents sur une partie d’échecs, la « stratégie immolatoire ». A l’exemple du sacrifice d’un christ total et volontaire, modèle d’obéissance divine et de renonciation qui me semblaient d’une sagesse insondable à l’époque, et un comble mis à l’amour, j’ai avancé chaque pièce sur l’ échiquier comme une perche tendue, un art de se saborder systématiquement. Le jeune joueur y a vu successivement des bonnes aubaines de victoire facile, un mépris de la tactique pareil à de la bêtise, un m’enfoutisme de perdant désintéressé de la partie en jeu, un manque de respect élémentaire de la passion naissante de mon adversaire, une absence de combativité laxiste, une pédagogie débile.

Quand tout fut ainsi consommé dans une victoire bâclée, vaine et sans éclat, je couchais mon roi devant lui sans un mot. Je crois qu’il fut dégoûté à jamais des batailles d’échecs qui veulent bien dire ce qu’elle veulent dire, supputer des échecs et non des réussites, mettre en échec, vivre d’échecs. Surtout ceux des autres pour la maigre gloriole d’une pauvre victoire de soi disant intelligence supérieure et talentueuse , surtout particulièrement tortueuse.

je n’ai jamais aimé jouer aux échecs, ni même essayé d’y prendre plaisir. Suis je inculte et décidément trop bête…c’est la seule leçon que j’ai pu tirer d’un christ souffrant , consentant à l’échec pour une humanité de toutes façons vouée à l’échec. Rien n’a changé depuis , je constate. Je suis juste dégoûtée du jeu qu’il nous donne à jouer comme seule porte d’espérance de victoire depuis plus de 2000 ans . L’amour véritable n’est pas immolatoire , il donne , il prend, il reçoit, il échange, il apprend, il écoute et se tait , il parle sans dogme, sans prétention de vérité, sans prédication, il est en marche , pas crucifié et ne voulant crucifier personne ni en le clouant sur place ni en lui clouant le bec, il laisse une place acceptable à l’erreur, sans passage obligé au mea culpa.. Il ne se nourrit pas d’échecs et de victoires , même pour gagner la guerre en perdant des batailles, comme disent les généraux notoires. Même l’apôtre paul , porte parole d’une toute personnelle loi d’amour sur la base christique de soumission totale , comme si l’amour était prodigable sous forme de loi, s ‘y est complètement trompé, laissant une église atrophiée et atrophiante dans sa conception de l’amour. Ailleurs se trouve la sagesse de l’amour, là se trouve la vie, la vraie voie ouverte.

en ce mois d’avril 2023

Michele Rosenzweig sur une peinture acrylique sur toile qui date un peu …mais qui parle toujours .

Les oiseaux du crépuscule

Encore une nouvelle à insérer dans un prochain livre. j’ai l’idée d’un titre: Bribes et esquisses. des romans avortés, des mini romans, des histoires qui résument en peu de mots et c’est mieux comme ça. Qui vont à l’essentiel sans prolongations. c’est ma définition de la nouvelle. Une exploration qui me suit depuis bien des années, déjà amorcée avec « déclinaison de femmes » ,  » ces gens ordinaires » et « alter ego », un genre que j’affectionne mais qui n’est pas très populaire, il faut le dire. Toute une éducation littéraire à parfaire… car c’est aussi laisser le lecteur sur sa faim, sur son imaginaire, sur sa participation active dans l’échafaudage des non-dits, des suites et des possibles, sur un inconfort non consumériste, sur un plaisir nouveau sans facilité, sur une perplexité en tous cas.

Les oiseaux du crépuscule

Cela va faire trois mois qu’ils tchattent sur Internet dans un site de rencontre.

Aujourd’hui , elle lui donne rendez vous au Phillies, un bar américain qui est une réplique du bar new-yorkais peint par Edward Hopper. dans son tableau Nighthawks. Un lieu pour esseulés et nostalgiques de l’Amérique. A la tombée de la nuit, pour que les néons flashent dans l’avenue de leur rouge fluo. Elle aime être un oiseau de crépuscule, pas un faucon de nuit. Les machines à milk shake sur le comptoir et le barman en calot blanc qui s’affaire sur les ice creams et les sirops à la fraise entre deux hot dogs. Les parois de verre immenses qui s’ouvrent sur le clair obscur d’un coin de rue , ne laissent aucune chance à l’intimité propice à la désespérance, béantes au regard voyeur des arpenteurs de trottoirs qui hantent la grande ville, zombies entre chien et loup attirés par la lumière électrique comme des papillons.

Elle attend dans sa robe rouge, ses cheveux roux tombent en boucles savantes de brushing sur ses épaules à demi nues. Elle s’est maquillée œil de chatte à l’eye liner. La lumière crue du bar la rend un peu blafarde. Un client est là déjà, accoudé, sirotant un whisky coca, lisant quelque Huffington Post sur son smartphone. Mais non, ce n’est pas lui, il dérobe son regard et fixe son drink. Elle commande un cappuccino.

19h. La nuit commence à tomber sur cette fin d’hiver. Ce n’est pas encore l’heure d’affluence des noctambules, ceux qui sortent du cinéma Gaumont Palace à deux pas, et ceux qui plus tard rentreront de boite de nuit cherchant une dernière halte pour un dernier verre avant le petit jour.

Elle a choisi une heure déserte, celle d’une sortie de bureau, d’un apéritif tranquille avant de regagner ses pénates, dans cet entre-deux mondes.

Voilà. Il pousse la porte. Elle est sûre que c’est lui, il porte un Borsalino, le signe de reconnaissance qu’elle lui avait demandé. Ma foi , il est pas mal, pas un Sinatra, mais l’air viril, un rien canaille et décontracté. Est ce le charme du chapeau ?

– Peggy ?

– Oui, vous êtes Franck ?

– A dire vrai, mon nom est Abdel. Franck est un pseudo. Vous êtes très jolie. Et la première impression pour vous , c’est quoi ?

– Tout à fait dans le ton du lieu. Un peu amerloque, quoi. Je ne suis pas Peggy non plus, mais Marlène.

– Pourquoi cet engouement pour cet endroit à cette heure déserte ?

– Une peinture de Hopper triste à mourir , où les solitudes s’attardent au bar, dans une Amérique chimérique et cassée. C’est ma vie. Vide. Vidée. Sans envie.

– Si nous commencions par un simple expresso pour tenter une réanimation ?

– Plutôt une Desperado avec des chips pour moi.

Un long silence s’installe entre eux. Ce spleen avoué en entrée de jeu l’incommode. Il sape toutes les illusions de séduction.

Elle se lance, pour briser la glace.

– Vous aimez danser ?

– J’adore.

– Il y a un juke box d’époque dans ce bar. Ca vous dit un rock sur Elvis Presley ?

Elle l’entraîne vers la musique. Il se débrouille bien, il fait virevolter sa robe dans des passes vigoureuses . Elle suit, son corps avec le sien. Il conduit d’une manière ferme, il la prend par la hanche de temps en temps.

– On s’aventure sur du disco , John Travolta ? dit elle avec un humour aigrelet.

Tous les deux seuls dans le bar, ils dansent non pas la fièvre du samedi soir, mais le premier pas d’une aventure qui durera ce qu’elle durera, un mercredi très ordinaire.

– On va manger un hamburger frites à la brasserie ?

Elle se demande avec une ironie amère qu’elle garde pour elle si elle ne préfèrerait pas un restaurant tzigane, pour donner dans les violons … avec du champagne, ce serait moins mesquin.

En sortant du bar américain, ils déambulent dans les rues de la ville, bras dessus, bras dessous. Au hasard. Ils finissent par trouver un restaurant italien très cosy. Confortable, nappes à carreaux rouges, bougies fichées droites sur des bouteilles de chianti vides, O sole mio d’ambiance par Andréa Boccelli.

– Très romantique , non ?

– Le Borsalino donne une touche très mafioso sicilien !

– Et la robe rouge très Sophia Loren est assortie au drapeau italien !

Ils se parlent autour des carbonaras. Des trucs de solitaires. Le travail, la routine, les histoires d’amours ratées, les soirées au lit à tchatter sur l’ordinateur portable, pour tenter de trouver une âme un peu sœur. Ils boivent du rosé, cela les rend gais. Funiculi, funicula chante Pavarotti.

Ils se dévisagent, pas étonnés de la couleur marron de leurs yeux plus que commune, des quelques rides désabusées de leur quarantaine. Ils en viennent à la question douteuse de la compatibilité de leurs signes zodiacaux. Une cancer et un balance. Mystère des astres, ils ne croient même pas au destin.

Après le tiramisu et le café , ils payent chacun leur part, pas d’équivoque sexiste. Il offre le taxi qui les ramènera. Chez lui ? Un dernier verre? Vous montez ? 3ème étage sans ascenseur. Sans doute pas un 7ème ciel. Là devant la porte d’entrée qu’il ouvre sur l’intimité de sa vie, il lui prend la main et l’embrasse sur la bouche. Elle laisse faire, répond par une main glissée sous sa chemise, dans ses cheveux.

Elle se demande s’ils résisteront à un premier soir dans un lit. Trop rapide, trop fast food. Rien à perdre, se dit elle, on va jouer le jeu. Consommer un peu d’amour. Jouer à n’être qu’une chose. Comme un va-tout.

La robe rouge tombe comme une feuille morte, comme une épluchure, sur le plancher. Elle ne s’est jamais sentie aussi seule et aussi nue.

Michèle Rosenzweig

avril 2023

nouvelle veine

Je me suis rendue à l’évidence, j’ai capitulé devant le constat de la fausse route et de la fausse vérité. 30 ans d’engagement dans une tromperie multi millénaire, croyant de toute ma force naïve en la rédemption de l’humanité par un dieu d’amour.

j’ai essayé l’amour dans tous les aspects de ma vie et c’est là la seule leçon , la mise en pratique, tester par soi même la réalité des écrits qui se disent les plus saints et les plus sages j’ai eu le mérite d’y croire honnêtement.

mais qui est ce dieu impénétrable dans toutes ses voies au point de se dire miséricordieux en enfermant l’homme depuis sa création dans la malédiction qu’il a prononcée contre lui pour une simple curiosité dénuée de malice, simple erreur de jeunesse de désobéissance à la sacro sainte interdiction divine. quel dieu pervers a mis dans le jardin initial une création pareille , je parle de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. quel dieu pervers a t il créé et toléré la personnification du mal comme une autre alternative à lui même, dans un jeu permanent de course à la gloire? quel dieu d’amour a attendu 6000 ans d’après le calendrier juif et ce n’est pas fini pour inclure tous les hommes et toutes les femmes dans le droit à être autre chose que des jouets ballottés destinés à un enfer ou des serviteurs sinon des esclaves de sa gloire personnelle? et que dire de ce christ fils de dieu trompé et trompeur , sauveur d’humanité? l’humanité n’a rien de sauvé depuis sa mort inutile et sa résurrection encore plus inutile.

j’ai testé ce jésus là chez les chrétiens pendant 30 ans assujettis à l’apôtre paul de remplacement et au soi disant st esprit qui ne les rend même pas capables de se supporter entre eux. qui est ce jésus d’amour qui voue l’humanité toute entière à l’apocalypse sans même être capable d’éradiquer le mal autrement qu’avec un armageddon lointain qui recule toujours son échéance, qui permet depuis deux mille ans de sa venue l’exploiteur , le tyran, le méchant, le règne de la force et du profit même pas rattrapés par leur karma ? ,

tout juste a t il donné quelque espérance dans une vie après la mort aux opprimés de toujours . reste à savoir si elle est honorée dans ce paradis de louange éternelle à la gloire d’un dieu possessif, et mégalomane, négation de la beauté créatrice et de l’intelligence qui nous habite ?

voilà le retournement de ma situation spîrituelle, un retournement de veste. dois je nier trente ans d’écriture et de recherche personnelle de la paix intérieure pour donner un sens à cette absurdité ? il m’a fallu une bonne colère, une sérieuse mise au point sans mensonge vis à vis de mes conclusions après expérimentation.

pas assez chrétienne pour les chrétiens, mais trop croyante pour le reste des hommes . mes livres ont oscillé entre la foi en un monde meilleur et une lucidité au scalpel, pas totalement dupe. ce sont des pages tournées , des avancées dans le noir et la lumière.

elles en valent la peine. il y a dans tout cela la découverte de l’amour en mon âme soeur , ma part manquante , mon amour en grand. il m’a fallu tout ce chemin pour le trouver , lui. Lui seul me donne suffisamment pour donner autour de moi sans sacrifice. pas un jésus époux de tous les frustés d’amour de la terre, qu’il honore du haut de son ciel par un sourire bouddhique plus qu’impénétrable et plutôt machiavélique. Il n’épargne même pas ses élus, que dire des autres ?

donc je vous livre ce poème, tentative de résumé:

Vectrice

singleton, je cherche mon binôme

dans l’équation aux inconnus de ce monde .

Dans mon ensemble,

je cercle la racine

où je suis simple élément,

Dans une multiplication des possibles

sur la ligne droite

qui voudrait sa parallèle ou plutôt son point de rencontre

son point culminant.

Sur la tangente, je mets en facteur

mon inadéquation à la fréquence de deux ondes positives


me voilà vectrice de quelque dieu

univers créateur et matrice

force intérieure extraite de quelque racine si peu carrée

valeur discrète des hommes mes égaux

L’hypothèse devient démonstration .

poésie de la mathématique .

Je suis abscisse sur ordonnée à la croisée des axes .

Un point A sur une courbe reliée à son point B.

tu existes mon amour , j’en fais la preuve tangible

Coïncide moi .

les premiers amoureux paradisiaques!

courage d’écrire

ouvrir des portes qui se ferment un jour ou l’autre, enfoncer des portes ouvertes , se cogner à des portes fermées, attendre que la bonne porte s’ouvre, voilà le début d’un poème , non ? ou d’un essai philosophique ! 😃

spleen de printemps des poètes : j’écris depuis 35 ans dans l’indifférence générale.

frontières : le thème de cette année. frontière invisible entre moi et toi, lecteur improbable

Instant d’attentat

Crotouille, gribouille,

Mes mots ont une âme secrète

Ils ne sont pas pestilentiels

Ils exhalent pourtant je les défèque.

Serait-ce un charabia d’Oulipo

Qui les rende insurrectionnels ?

Vitesses, progrès, sciences illusoires,

Guerres et nouvelles de guerres

Où l’on ne sait plus qui croire,

Criantes Misères, modes éphémères, et marchands de canons,

Les hommes ne savent plus qui ils sont

Mais ils usent de pouvoir,

Du messire poète ils font peu de cas.

Marginal dans son mouroir.

Ainsi, le soleil jamais ne s’assassine, il prodigue

Et si chaque soir il décline, jamais ne se fatigue

Et à l’autre bout du monde réapparait

Libraires qui ne me vendez pas

Éditeurs qui ne me publiez pas

Vous ne tairez pas ma voix d’or et de brocante

Je revendique cet instant d’attentat,

Je clame mes vers dans des spectacles interdits

Sur les petites, toutes petites scènes des partis pris

Non, vous ne tairez pas mes sept vies de chat

Ma vie est éternelle, en elle je rebondis

Mon chant jamais ne se muselle avec du vert de gris

Il me faut la nuit froide et le thé chaud

Pour que se réveille ma famine

La reconnaissance miroite son inaccessible vitrine.

Mots sucrés à ma bouche, miellée des arpèges,

Je vous revêts dans ma promenade d’ici bas

Comme une alliance d’arc en ciel

Dans un pays de neige

Et peu importe si ma voix porte ou pas

Je passerai la porte sans fracas

Dans ton cœur, poésie, entends-tu mon branle bas ?

Avec mon panache je salue

Mort quotidienne la bravoure qui te tue.

affiche que j’ai dessinée pour une lecture publique annulée pour cause de covid